Etoile 10 (pour DYS)

Etoile 10 (pour DYS)

Dysphasie


Comment communiquer avec un dysphasique ?

Au premier abord, ma fille semble tout à fait « normale ».

Certes, quand on l’écoute, elle parle un peu bizarrement et utilise beaucoup son corps pour accompagner ses paroles, mais rien de vraiment perturbant.

Parfois aussi son comportement n’est pas celui attendu pour son âge (notamment son absence de règles de politesse spontanée et son silence face à l’adulte questionnant), ce qui nous vaut d’ailleurs en tant que parent des suspicions de mauvaise éducation, tout simplement… On ne va pas les blâmer, rien d’étonnant quand on est dans l’ignorance. On a longtemps considéré que les DYS étaient d’ordre psy. (mais quand même : quand on sait pas, on juge pas !)

 

Ses difficultés langagières sont bien réelles et dépassent largement les simples échanges verbaux. Comme elle est vive et que son regard est pétillant, il faut vraiment être très proche d’elle ou faire preuve d’une sincère empathie pour saisir son fonctionnement!

 

Alors si vous êtes amenés à croiser des petits dysphasiques, ce que vous devez savoir…

 

Particularité n° 1 : la compréhension de ce qui est induit n’est pas maîtrisée

 

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Evitez l’ironie, le deuxième degré. Sauf si vous voulez entendre des « ah bon ?! » plein de candeur.

Exemple : « je suis épuisée, je viens de traverser l’atlantique à la nage » : « ah bon ?! » 

 

De même, si vous êtes en colère, une phrase du style : « c’est terminé je ne ferai plus jamais ça avec toi ! » est à bannir.

Exemple: je venais d’offrir à ma fille un xième bracelet, qu’elle s’est empressée de casser 2 jours plus tard. La maman presque parfaite que je suis a utilisé son « presque » pour lui dire, énervée : « c’est terminé, je ne te ferais plus jamais de cadeau ! ». Et voilà ma fille qui tourne cela dans sa tête et qui revient 5 minutes après, fort énervée elle aussi : « et bien moi, je commanderai rien à Noël ! ». Euh, quel est le rapport, nous sommes en août ? « tu m’as dit que tu ne me ferais plus jamais de cadeau ! »

 

Ce qui est induit se retrouve aussi très souvent dans la lecture, la poésie notamment. Exemple le dormeur du Val, d’Arthur Rimbaud. Il y a écrit qu’il dort avec 2 trous rouges sur la poitrine. Alors, il dort, non ? Compliqué de lui expliquer qu’il est mort, et en plus, qu’il est mort pour toute la vie (!), comme elle dit ! Je pourrais donner beaucoup d’autres exemples.

 

De plus comme elle a une imagination débordante, le texte d’origine doit très grandement différer de son interprétation !

 

Certaines expressions la font rire aux éclats, car elle les prend au pied de la lettre. Ceux qui sont "tête en l'air", par exemple: elle doit imaginer qu'ils ont la tête qui s'envole, retenue par un fil comme un ballon de baudruche.

 

 

Particularité n° 2 : la difficulté à poser le contexte 

 

De façon générale, les histoires, avec un lieu, des personnages, et des actions chronologiques, blablabla, tout ça, c’est de l’art abstrait, un pur concept… Oubliez et accrochez-vous simplement aux branches pour comprendre !

Exemple un soir à table alors que nous étions en pleine conversation, ma fille nous coupe la parole (cf. particularité n°3…): « tu sais il y avait une route, et puis à droite un chemin, et à gauche un autre chemin, et là celui-là était barré ». Ceci à grand renfort de signes de mains, digne d’un agent de la circulation. Oui ?????…. Où ça? ça se passait quand ? Tu étais avec qui ? A pied ou en voiture ?  (Sans compter ce que l’on pense tous, mais comme on l’encourage à parler, alors on se tait : « pourquoi tu me racontes ça ???? »). A la place, une fois que j’ai compris, je réponds généralement : « ah ok ! je te remercie pour cette info » (notez bien cette phrase)

 

Particularité n°3 : couper la parole 

 

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Avant toute remarque désobligeante, que les choses soient claires : après enquête, il semble que cela ne soit pas propre à ma fille qui serait affreusement mal élevée, mais à tous les petits dysphasiques : ils ont une très fâcheuse tendance à couper la parole pour parler, (nous l’avons vu précédemment) de choses très importantes qui n’ont rien à voir avec la discussion en cours.

Je l’avoue, en mère imparfaite-et-fière-de-l’être : cela m’énerve prodigieusement et je lui fais régulièrement savoir. Ce à quoi elle me répond « ah oui, ok, pardon ».

 

Mais pourquoi fait-elle cela ??? J’ai plusieurs explications scientifiquement pas prouvées, et qui se cumulent :

 

o       l’empressement : elle a beaucoup de choses à dire et une toute petite mémoire à court terme, qui, elle, a été démontrée par des procédés scientifiques (si tant est qu’on considère le WISC comme un procédé scientifique, bien-sûr).Elle se dépêche donc de tout déballer par peur de l’oublier. Et comme on m’a souvent dit (au cas où je ne l’aurais pas deviné toute seule) qu’elle avait un fort besoin d’être écoutée, il est difficile de la canaliser sans la brimer…

 

o       le manque d’attention à ce qui se dit autour d’elle : ma fille a un TDA. On me l’avait aussi dit de manière scientifique via le fameux WISC. Mais je m’en suis vraiment rendu compte lorsque je lui ai fait faire un petit test pour savoir si elle était plutôt kinesthésique, auditive ou visuelle. Elle devait me dire comment elle avait imaginé le mot « chocolat » dans sa tête et, après 10 secondes de silence, elle m’a dit : « j’ai vu un cheval ». Bon … après « du coq à l’âne », c’est « du chocolat au cheval ».  Cela va donc très vite dans sa tête. Et lorsque nous parlons, comme elle n'a pas accès à toutes les subtilités de nos échanges, son esprit décroche d’autant plus facilement.

 

Si vous voulez imaginer la vie d’un dysphasique: essayez de vous imaginer suivre une discussion en chinois alors que vous en êtes à votre 3ème leçon (j'exagère un peu pour ma fille, mais certains dysphasiques le sont beaucoup plus sévèrement qu'elle). Du coup, ayant décroché de notre conversation, elle pense à quelque chose. Et bien-sûr : il faut le dire ! Tout de suite ! Sinon, elle va l'oublier...

Je rajoute aujourd’hui que ma fille, même encore à 15 ans et certainement toute sa vie, ne peut pas suivre une conversation entre plusieurs personnes, cela se mélange dans sa tête, et va trop vite, elle décroche donc et part dans son monde. Quand je suis avec une troisième personne, je suis systématiquement amenée à avoir deux discussions parallèles, car elle ne peut pas suivre l’autre.

 

o       le vélo dans la tête : l’esprit de ma fille carbure à plein régime. Elle pense sans arrêt à des dizaines de choses.

 

Question : comment peut-elle exprimer tout ce qu’elle a dans la tête ?

 

Réponse : c’est impossible, mais quand même, on peut essayer. En ouvrant la bouche dès qu’une idée vient, par exemple,  même si d’autres personnes sont en train de faire autre chose. Vu d’ici ça a l’air rigolo, mais c’est parfois très pesant sur une journée, où elle me poursuit dans tout l’appartement pour me parler, parler, parler… Ca va encore quand je fais la cuisine ou le ménage, mais parfois j’essaie de me concentrer juste 2 minutes sur un papier à écrire, un texto à envoyer ou 3 lignes à lire…

 

Autre détail important: ce que j'appelle le syndrome du disque rayé: elle est capable de m'appeler 50 fois de suite ou de me répéter quelque chose en boucle tant que je n'y ai pas répondu (ou prêté attention, car le pire c'est que certains commentaires n'apportent pas de réponses...). Tant pis si je suis en train de parler à quelqu'un d'autre!

 

Solution : je lui ai acheté un petit carnet pour noter l’idée sur un papier pour ne pas qu’elle s’envole. Mais comme elle a aussi de grosses difficultés graphiques, je ne peux pas dire qu’à ce jour, cela fonctionne. Et puis il lui faut des oreilles qui écoutent, et des yeux qui la regardent. Il faut un retour, car ce qui compte, ce n'est pas tant parler qu'échanger.

 

Particularité n°4 : hocher la tête au téléphone

 

Ca, c’est anecdotique, mais rigolo ! On a beau lui dire, mais c’est plus fort qu’elle … Quand on parle avec son corps, le téléphone est terriblement restrictif.

Ma grande curiosité serait de rencontrer un petit italien dysphasique. Ça doit être quelque chose !

 

 

Particularité n° 5 : les créations ou inversions de mots

 

Certains mots sont inexplicablement abstraits pour ma fille qui en intervertit deux sans aucun lien entre eux. Je me souviens une fois brouette à la place de trompette (pour l'anecdote, car c'est toujours rigolo:  il s'agissait d'un de ses copains qui faisait un bruit de brouette en se mouchant)

 

Il y a aussi de la fantaisie, de l’imagination et de la poésie dans ses compositions langagières. Un jour qu'elle mettait la table, elle m’a sorti les « verres à talon », au lieu des verres à pied. Avouez que c’est plus classe !

 

J’ai aussi été épatée de découvrir que notre petit chat de compagnie avait son « directoire ». J’ai dû faire preuve de patience et de persévérance pour comprendre qu’il s’agissait de son territoire

 

 

Particularité n°6 : les petits mots qui expliquent tout (ou sont censés le faire…)

 

Vous n’imaginez pas le nombre de « trucs ronds »  (avec les gestes s’il vous plait !) qu’il y a dans l’univers de ma fille. Et bien oui, vous l’aurez compris, c’est une des grandes difficultés des DYS : la difficulté à trouver le bon mot.

 

Du coup, il y a plein de petits mots qu’elle utilise pour décrire celui qui ne vient pas à son esprit : des trucs ronds qui se mangent, des trucs ronds avec lesquels on joue, des trucs ronds avec lesquels on a bricolé, des trucs ronds mous qu’on avait vu l’été dernier, des trucs ronds verts, qui tournent, là, en faisant, ça (vous ne voyez pas ?).

 

L’autre jour, il y avait même « un truc dans le truc »: ça devient franchement coton à comprendre ! Heureusement j'étais à côté et j'ai pu voir qu'elle me montrait un sac de terreau dans un panier... (aha! Vous voyez que c'était simple!)

 

 

Particularité n°7 : la répétition d'un mot qu'elle n’a pas bien prononcé ou d'une syntaxe mal tournée n'améliore pas le langage

 

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Le nombre de personnes "bienveillantes" autour de moi qui reprennent ma fille de façon à ce qu'elle prononce correctement est impressionnant. Parce que, vous savez, si elle ne parle pas bien, c'est que je lui permet de le faire, c'est évident!

 

Alors, je vous le dis très clairement: l’objectif, c’est quand même qu’elle parle et on vous le répète : les dysphasiques ne sont pas des neuneus, ils ont très bien intégré le fait qu’ils avaient des difficultés avec le langage. Donc inutile d’enfoncer le clou en leur faisant trop remarquer. A moins que vous vouliez qu’ils se taisent. C’est peut-être reposant pour vous mais ce n’est pas très constructif.

 

De plus, la répétition n’améliore pas la prononciation ! J’entendais récemment sur le chemin de l’école une mère parler de façon très très autoritaire et forte à son fils de 5 ou 6 ans : « CHO-CO-LAT ! Allez, tu répètes ! Il faut que ça sorte ! » ( !!!) J’ai entendu cela sur les 10 minutes de mon trajet (et je me sentais mal). J’ai espéré très fort que ce n’était pas un petit dysphasique. En tout cas, c’est peut-être une bonne méthode si on veut qu’il soit dégoûté du chocolat.

 

Bref, pour qu'il y ait tout de même une amélioration dans son expression, je ne fais pas rien, en essayant de développer mes talents de télépathes. Non, non! Mais je ne fais pas répéter. Je lui dis simplement que JE n'ai rien compris car elle parle trop vite pour une simple humaine comme moi. (non, sans la dernière partie de la phrase ...). Ben oui, le problème, ça ne peut pas toujours être elle non plus!

 

 

Particularité n°8 : parler à moi de l’autre juste à côté.

 

Je sais bien qu’en tant que maman, je suis dieu tout puissant, mais enfin : pourquoi s’adresser à moi alors que la personne est en face d’elle ? Même avec ses proches ! Exemple : « Pourquoi mon frère, elle ne fait pas ça ? » Ben, demande-lui, IL est à côté (oui, car elle confond aussi le « il » et le « elle », ce qui ne lui fait pas plaisir, au frère…).

 

Explication probable : la confiance qu’elle a en moi. Elle a une trouille bleue du rejet, d’être mal comprise, d’entendre un « non » à une question... Prendre la parole est toujours un acte de courage pour les dysphasiques. Et s'ils parlent en classe, alors, je dis bravo aux enseignants: ils ont su créer un climat de confiance et de sécurité pour eux. 

Particularité n°9: utiliser la bonne intonation

 

Je rajoute ce point car en écrivant un autre article, je me suis dit qu'il avait plus sa place ici. Ma fille a du mal à trouver le bon ton. C'est bien-sûr flagrant en lecture, et cela s'explique pour d'autres raisons (il faut déjà se concentrer pour déchiffrer, puis comprendre, alors le ton, ça viendra après...)

 

C'est aussi flagrant lorsqu'il s'agit de chanter. C'est un moment assez pénible pour tout le monde, même si on ne peut pas lui dire d'arrêter (enfin, moi, en tant que maman, car son frère ne s'en prive pas). Chanter est une manifestation de joie de vivre, et en ce sens, elle doit être accueillie avec bienveillance (et boules Quies)

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Lorsqu'elle est énervée ou fatiguée, ou même simplement emportée par le feu de l'action, son ton peut devenir ultra-autoritaire !

 

 

« Fais moi ça ! ». Et on sent qu'on ne doit pas trainer!!!

 

Cela dérange beaucoup l'environnement et on retombe dans le côté "mauvaise éducation" si fréquemment rencontré: "mais tu acceptes qu'elle te parle comme ça?" (Non je n'accepte pas, mais désolée, je viens de vendre mon fouet depuis qu'on m'a dit que les châtiments corporels n'étaient plus autorisés, et je n'ai pas encore trouvé de moyen de la punir à la hauteur de son outrage insolent...)

 

 

Petite astuce (vous en faites ce que vous voulez, hein?!!): pour dédramatiser, je lui apprend les règles de politesse de la famille Adams. C'est peut-être pas très orthodoxe, mais j'ai remarqué que cela lui faisait prendre conscience que le ton n'était pas adapté. " Voyons, on ne demande pas comme ça... qu’est ce qu’on dit ?"

 

« Fais-moi ça, et que ça saute ! »

 

Ahh… Beaucoup mieux ma chérie….

 

 

 

 

 

Voilà une incursion dans mon univers de dysphasique. Si vous vous y reconnaissez, n’hésitez pas à me le dire ! Plus on est de fou, moins on se sent seul… Et si vous avez constaté d’autres particularités, partagez-les aussi !

 


17/09/2016
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Autisme et Dysphasie: pourquoi on ne peut pas les confondre

Pour faire suite et compléter mon article Autisme et Dysphasie: pourquoi on peut les confondre, et afin d'aider à bien différencier les deux, je propose aujourd'hui de lister les différences que j'ai pu constater.

 

Pour rappel, je suis maman d'une enfant multiDys, avec la dysphasie en trouble primaire, et depuis la création de ce blog, je suis devenue éducatrice spécialisée et je travaille  au quotidien avec des enfants autistes.

 

Voici donc trois différences que j'ai pu clairement repérer

 

La recherche du lien avec l'autre

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On parle souvent  des autistes comme étant "dans leur bulle". Même si ce n'est pas généralisable de manière aussi caricaturale, et qu'il est souvent simpliste et faux de dire que les autistes ne cherchent pas de liens sociaux , je ne peux que constater l'exact opposé chez ma fille et les différents témoignages d'enfants dysphasiques. 

 

Ma fille adore être en lien avec l'Autre, quel qu'il soit, adulte, enfant ou animal. Même si c'est plus difficile avec ses pairs, surtout à l'adolescence, où sa différence est plus marquée.

 

Depuis toute petite, elle a eu le don de s'intéresser aux autres, elle préfère faire une activité qu'elle n'aime pas avec quelqu'un, plutôt que de rester seule à côté de lui, à faire ce qu'elle aime, car ce qui l'anime, c'est le partage.

 

Un autiste ne va pas partager une activité qu'il n'aime pas pour la recherche de ce lien. C'est d'ailleurs une de leur caractéristique (l'altération des interactions sociales).

 

 

Un excellent décodage des émotions et pensées des autres

Ce point fait écho aux difficultés de décodages sociaux, que j'avais noté comme point commun entre autistes et dysphasiques. Mais, alors que pour les sens des mots, ils sont assez semblables, au niveau décodage des pensées, en sens inverse, il s'agit d'une aptitude puissante chez les dysphasiques.

 

Il ne s'agit pas simplement d'hypersensibilité, de simple éponge à émotions, non. Cela va bien au-delà de cela. La dysphasie est un trouble du langage oral. Mais, certainement en compensation de ces difficultés de langage, les dysphasiques décodent tous les signaux non verbaux avec une finesse hallucinante. Ma fille anticipe parfois ce que je vais dire ou faire, elle détecte mes humeurs, mes états d'âme. C'en est parfois flippant. Je lui dis qu'elle est télépathe.

 

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Un exemple récent: un dimanche midi, je cuisinais avec elle (cf. point précédent: la recherche de lien). Et, ce faisant, je fais un mouvement vers un placard en disant "bon, tu sais quoi?"... Je la vois s'agiter et me retourne: elle avait pris une bouteille de vin rangée dans un autre placard. Elle me dit: "oui, tu as raison, après tout, c'est les vacances, faut profiter". J'allais prendre un verre et lui dire: "je vais boire un verre de vin". Ce que je ne fais JAMAIS le midi. Comment a-t-elle pu deviner? J'en suis restée sidérée... Bien-sûr, c'est un exemple parmi d'autres, j'ai parfois l'impression d'être un livre ouvert pour elle.

 

 

Lorsqu'elle était toute petite, j'ai longtemps été persuadée qu'elle ne parlait pas parce qu'elle n'en voyait pas l'utilité, vu que la communication se passe à un autre niveau chez elle. Elle s'est mise à parler car la majorité des autres humains n'ont pas ces aptitudes...

 

Les autistes en revanche ont du mal à décoder les émotions, cela est aussi une autre caractéristique de l'autisme. On a souvent dit  qu'ils n'avaient aucune empathie. Ce qui est bien-sûr complètement faux. Des études récentes montrent qu'ils ne les capteraient pas parce que le monde va trop vite pour eux. En revanche, si on leur montre un visage filmé au ralenti, ils ont alors les mêmes réactions qu'un non autiste.

 

 

Des intérêts variés ou restreints?

Troisième grande caractéristique des autistes: des intérêts restreints. On pense à ces exemples d'enfants, qui connaissent tout sur un sujet précis. Les trains, les plans de métro, les pingouins, les reptiles... Ils sont obsédés par un sujet, ils en parlent tout le temps.

 

Qu'en est-il des dysphasiques? Ah, franchement, ce n'est pas si facile de répondre à cette question! Il semblerait qu'ils puissent avoir tendance à focaliser sur un sujet, eux aussi. Exemple de ma fille: les chevaux.

 

Mais je pense que cela relève plus de la familiarité d'un sujet qu'elle connait bien, et cela la rassure (cf. anxiété dans les points communs). Et puis, la dysphasie n'est pas incompatible avec une passion!

 

En revanche, j'observe beaucoup d'autres intérêts, souvent en lien avec l'actualité, ou ce qu'elle a pu partager avec des copines, des activités qu'elle a découvert en vacances...

Par exemple: lors du premier confinement, et avec l'apparition des premiers masques, elle a confectionné des masques à l'ensemble de ses peluches.

 

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En janvier, ils avaient eu droit à des couronnes des rois sur mesure. Auparavant, ils avaient tous eux des colliers ou bracelets faits main. Elle va être très créative et changer régulièrement la déco de sa chambre. Elle va avoir ses périodes, ballon de basket, ping pong, ballon de basket... bref, elle sait s'occuper de manière très variée.

 

Donc malgré son côté très ritualisé, je ne la trouve pas si coincée dans des intérêts restreints. En revanche, je sens que certains intérêts forts sont là pour la rassurer.

 

 

Voilà pour ce petit tour d'horizon! J'espère que cela aura donné des pistes à ceux qui s'interrogent sur leur propre enfant!

 

 

 

 

 


22/12/2020
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Autisme et Dysphasie : pourquoi on peut les confondre

La dysphasie:  le diagnostic « prise de tête »

 

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Poser le diagnostic de dysphasie est une des choses les plus ardues qui semble exister. Je parle souvent de la dysphasie de ma fille, car ce terme a été rapporté dans de nombreux bilans, y compris ceux de la neuropédiatre, mais en réalité, elle en a tous les symptômes sans qu’il soit absolument certain qu’elle le soit (il manque quelques examens cliniques sur lesquels j’ai des réticences personnelles).

 

En effet, la dysphasie est comme l’espérance dans la boite de Pandore : la seule chose qui reste quand tout le reste s’est envolé.

 

Je m'explique:

 

Est dysphasique l’enfant qui n’est pas sourd, qui n’est pas déficient intellectuel, qui n’est pas autiste, qui n’est pas perturbé (voire traumatisé) psychologiquement, qui n’est pas épileptique, qui n’a pas eu de micro AVC (ces 2 derniers points ayant pu engendrer des lésions cérébrales), etc.

 

En ce qui concerne l’autisme, ce diagnostic n’a jamais été évoqué pour ma fille. Seule la neuropsychologue l’a très brièvement suspecté quand elle l’a vu entrer dans son cabinet, par son attitude de repli et de recul. Mais dès lors qu’elle a établi un contact visuel, ce doute s’est envolé.

 

Je me suis donc souvent demandée avec surprise pourquoi et comment on pouvait confondre autisme et dysphasie.

 

Certes, les deux ont généralement un gros problème dans l’acquisition du langage. Mais enfin, c’est un peu court !  Pour moi ma fille est extravertie, sociable et adore communiquer, même si le langage oral n’est pas son mode de communication naturel (c’est le moins que l’on puisse dire).

 

Je me rends compte aujourd’hui de mon ignorance en la matière, particulièrement sur les troubles autistiques. En effet, croire que les autistes n’ont pas envie de communiquer est une bêtise fondamentale. Qu’ils aient du mal à le faire en revanche est une réalité partagée avec les dysphasiques.

 

 

En lisant le livre-témoignage de Josef Schovanec « je suis à l’Est- Savant et Autiste », je réalise  pourquoi il peut être si difficile pour les professionnels de poser un diagnostic clair entre l’autisme et la dysphasie.

 

J’y ai découvert (au moins) trois points majeurs en commun et j’en acquiers même une compréhension plus subtile de ma fille.

 

La difficulté à se repérer dans les codes sociaux (verbaux)

 

Josef Schovanec raconte avec beaucoup de drôlerie tous ces petits détails totalement anodins pour nous, mais qui sont un mur quasi infranchissable pour lui.

 

Prenons par exemple l’acte le plus banal qu’il soit : dire « bonjour » aux personnes qu’on rencontre. Il raconte qu’il avait appris qu’il fallait dire « bonjour monsieur » aux hommes, et qu’il avait donc commencé à le dire à ses camarades de classe en primaire. (Il avait vite arrêté vu les réactions suscitées). Ou alors plus tard à la fac : doit-on dire bonjour à tout le monde ? Et une seule fois par jour suffit-il ? Bref, des questions existentielles pour lui, qui nous paraissent complètement déplacées pour nous, qui le faisons si naturellement.

 

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Pour ma fille, dire bonjour n’est toujours pas si naturel que cela à 10 ans. C’est aller à la rencontre de l’autre spontanément et en confiance, sans pouvoir prévoir comment cet autre réagira. Et j’imagine qu’elle doit douter de l’attitude à adopter, et active automatiquement le 2ème point commun que je vais évoquer dans le paragraphe suivant.

 

Prendre un téléphone pour passer un coup de fil, entrer dans un magasin ou un restaurant, sont des actes aussi difficiles pour lui (comme - de façon certes atténuée - pour ma fille), car c’est, de son propre aveu, aussi énigmatique que d’aller visiter les martiens dans leur soucoupe volante.

 

La franchise est, elle aussi, un aspect de ces non décodages sociaux. Car bien évidemment, on ne nous demande jamais une totale franchise dans nos rapports quotidiens. A la simple question : « comment vas-tu ? », à part les très proches, on nous demande de répondre « bien, merci ». Et non pas d’évoquer tous nos maux physiques et états d’âme.

 

Josef Schovanec raconte beaucoup d’anecdotes de ce style et à quel point c’est difficile pour lui de saisir ce qu’il est de bon ton de dire, et ce qu’il ne doit pas l’être. Par exemple, on lui avait demandé d’évaluer par écrit avec franchise un de ses professeurs à science po, et il l’avait donc fait. Il n’explique pas le détail de cette lettre, mais en éprouve aujourd’hui une certaine gêne, car il l’a revu 10 ans après et cet homme très important lui a ressorti la lettre !

 

Pour ma fille, une question posée amène une réponse honnête. Le filtre des codes sociaux (c’est-à-dire ce qui est induit, non-dit explicitement) n’est pas intégré. Je parle bien là au niveau du langage, car en ce qui la concerne, elle décrypte très bien ce qu'il convient de faire face aux autres en mode non verbal.

Petit exemple récent. Mes enfants se chamaillent. Je leur dis d’arrêter une fois, deux fois, trois fois… Je finis par leur dire : « combien de fois je vous ai dit d’arrêter ? ». Elle me répond : « trois fois ». Je réponds donc qu’il est temps d’arrêter. Et là, son grand frère prend le relais : « Tu sais, répondre comme ça à cette question est insolent. Quand maman te dis ça, ça veut dire qu’il est temps d’arrêter. Alors tu réponds « pardon » et tu arrêtes. » 

 

Le trouble anxieux

 

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Je suis convaincue depuis pas mal de temps maintenant que le trouble anxieux est LE gros handicap de ma fille. En effet, c’est lui qui l’empêche de se lâcher sans ses apprentissages. C’est lui qui la retient d’aller vers les autres avec fluidité et naturel. C’est lui qui la retient d’OSER, même si c’est faux, même si c’est imparfait.

 

Josef Schovanec nous raconte beaucoup d’anecdotes qui montrent à quel point l’anxiété sociale lui est dommageable. Aller dans la vie avec confiance et sans préparation est impensable pour un autiste. Il doit anticiper les trajets, repérer les lieux et préparer un lourd sac de secours pour tout déplacement (une lampe de poche en fac en cas de panne de courant ? sérieusement ?). L’inviter gentiment à une soirée  de façon impromptue le fait fuir à toutes jambes (comprenez : littéralement !).

 

Je dois dire qu’à sa lecture, je comprends mieux les angoisses de ma fille. Elles ne sont pas gérables, elles sont réelles et on ne peut pas les minimiser en disant simplement : « mais ça va aller, ne t’inquiète pas ! ». Elle a, comme Josef Schovanec, besoin de se projeter dans l’évènement, de façon à pouvoir l’appréhender dans les grandes lignes (les petites lignes, ce serait mieux aussi). Elle se refait le film très souvent avant qu’il ne se passe quelque chose.

Elle me demande le lundi matin ce qu’on va faire le dimanche. Elle apprend à gérer : « oui, c’est vrai, on n’est que lundi ».

 

Son ergothérapeute vient faire la séance un jour par semaine dans son école. Cela a été source de stress monumentale à l’idée qu’il viendrait à l’école : Où ? Dans quelle pièce ? Est-ce que cela finira avant la fin de la récré ? Est-ce que ses copines le verront ? Et si oui, continueront-elles à être ses copines ? (il faut impliquer tout le monde pour la rassurer : l’ergo, le maitre, le directeur, les copines…). Une fois que cela est calé, l’ergothérapeute me demande la semaine suivante de décaler exceptionnellement la séance de 8h30 à10h : euh….. Comment dire ?

 

L'auto- dévalorisation

 

Je serai brève sur ce point car il est issu d’un gros défaut de confiance en soi (qu’on retrouve certes chez beaucoup de personnes sans troubles Dys ou autistiques, mais qui provient de ces difficultés). Il est comme une évidence acquise pour Josef Schovanec (au moins enfant) ou ma fille le fait d’être moins bien que les autres. Leur importance est moindre et on ne va pas déranger des personnes importantes pour eux.

Pire pour ma fille : « je n’ai aucune compétence particulière, c’est normal… »

En revanche, la lucidité de Josef Schovanec sur ses connaissances étendues peut au contraire le faire apparaître comme terriblement supérieur…

 

 

 

Le besoin d'être ritualisé

Je complète mon article  4 ans plus tard par ce 4ème point, qui est, de mon point de vue, la conséquence des 3 précédents. Au cours de ces 4 ans, ma fille a grandi, et j'ai eu l'occasion de travailler pendant plus d'un an auprès d'enfants autistes, ce qui m'a permis de mieux cerner les différences entre les 2 aussi. Sa différence s'installe aussi d'une certaine façon. Ce n'est plus une petite fille mais une jeune fille, et bien loin des codes des ados.

 

 

Dysphasiques et autistes ayant des difficultés à repérer les codes sociaux, manquant de confiance en eux et étant profondément anxieux, les rituels les rassurent et leur donnent des repères, sans lesquels ils sont vite perdus, dans ce monde étrange qu'est le nôtre pour eux.

 

 

Cela a des avantages pour les parents: quand la règle est fixée, la journée s'écoule dans le calme. Ma fille aujourd'hui ado respecte scrupuleusement à la lettre (que dis-je: à la minute!) le temps passé devant les écrans. Le soir, elle se lave à 18h précises. Elle éteint ses écrans 30 minutes précises avant l'heure où  elle doit éteindre la lumière (selon la règle du "pas d'écran avant de s'endormir" établie). Ensuite, elle écoute 30 minutes de chansons et elle chante.

 

 

Mais côté inconvénient, c'est la crise d'anxiété en cas de modification. Par exemple, si nous faisons une balade qui excède 18h, tout son petit programme est chamboulé, elle s'agite, s'énerve, et crie qu'elle n'aura jamais le temps! Si nous dînons plus tard, elle monte dans les tours parce qu'elle n'aura pas le temps de regarder sa série. Quand je lui propose de regarder avant manger, cela ne l'apaise pas, car ce n'est pas le rituel habituel. 

 

 

 

Finalement, la dysphasie de ma fille me permet d’accéder à une tolérance et compréhension accrue de nombreuses différences, allant bien au-delà des troubles de ma fille. Une richesse de plus à ajouter dans ses compétences ;) Mais attention, un dysphasique n'est pas un autiste, ce sont deux profils, qui, bien qu'ils aient des point communs, ont aussi des différences fondamentales, que vous pouvez lire ici .


09/11/2016
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Dysphasie: les sons impossibles

Parler, est-ce vraiment si simple?

 


Long et laborieux est l’accès à une parole fluide et compréhensible pour les petits dysphasiques. Ce qui est si naturel pour les non dysphasiques est d’une complexité sans nom pour eux.

 

Imaginez un peu ce qui se met en marche quand on parle :

 parler.jpg

  • les sons à prononcer
  • les sons à enchaîner 
  • les phrases à construire
  • les verbes à conjuguer
  • les pluriels et les féminins
  • les mots à mémoriser
  • les mots à savoir ressortir au bon moment
  • le temps à utiliser
  • pour les petits francophones : les liaisons, les exceptions…. le joli zarbre, par exemple...
  • L’intonation, le ton employé
  • sans compter tout ce que j’oublie ;)

 

Les embûches et pièges sont innombrables. A croire qu’on a complexifié le langage exprès pour en laisser certains sur le carreau !

 

Seules des personnes ayant ces troubles du langage peuvent nous aider à réaliser que parler, même si c’est un apprentissage naturel pour la plupart d’entre nous, est et reste un miracle de notre cerveau.

 

Pour ma fille, inutile de vous dire que tout est compliqué.  Parlons déjà de l’apprentissage de certains sons, qui a été très problématique.

La prononciation...

 


A 10 ans, je qualifierai la diction de ma fille comme étant approximative. Disons qu’on la comprend si elle parle suffisamment fort et surtout suffisamment lentement. Mais comme elle ne perçoit pas la différence entre certains sons, forcément, lorsqu’elle parle, on ne le perçoit pas non plus. Les plus communs sont les j/ z/ ss… le sien et le chien, laisser et lécher, bisou et bijou, etc…A la limite, cela passe pour un défaut de prononciation sans gravité.

 

Certains sons ont été très longs à acquérir, je me demandais même s’ils allaient finir par venir. Heureusement, parfois, des déclics se produisent !

 

Je vais vous raconter une petite anecdote qui va vous montrer à quel point il ne faut JAMAIS négliger la motivation et le sens dans l’apprentissage !

 



Ma fille n’arrivait pas à prononcer les sons « v » (et « f » dans une moindre mesure).

Le son «v » surtout est un souvenir vivace dans ma mémoire, car jusqu’à 5 ou 6 ans elle ne le prononçait pas du tout. Pendant quelques années j’ai eu tout le loisir de réaliser que la langue française en était truffée : vie, voiture, volant, vitesse, va, vraiment, vent, violent, voleur, valeur,  rêver, voir, vêtement, veste, viens, vert, violet (aïe ! en plus sa couleur préférée ! )… pour n’en citer que quelques uns.

 

La maîtresse de grande section ou de CP avait eu la malice à Noël de leur faire apprendre la chanson : « vive le vent ». Et je me rappelle l’avoir enregistrée pour qu’elle s’entende : «petite fille glace.jpg yi yeu yent, yi yeu yent ! yi yeu yen d’h’iyer ! » Elle était joyeuse et sans complexe, c’était très drôle.

 

Et puis l’été est arrivé et avec l’été, les glaces ! Pour ma fille, ce mot représente quelque chose d’important : dès qu’elle l’entend, ses yeux pétillent et ses lèvres sourient, c’est plus fort qu’elle !

L’avantage des glaces, c’est qu’ils ont plein de parfums. Et parmi les plus communs : vanille fraise.

Un soir en vacances (oh encore un «v » !), avec son frère et moi chez ses grand-parents, pendant le dessert (devinez ce que c’était…), on lui a parlé  de« VVVVanille » et de « FFFraise ». Motivée, elle a répété. Et là, magie ! Le VVV et le FFF sont sortis distinctement pour la première fois de sa bouche ! ça y est ! Elle avait compris le truc ! Les sons « v » et « f » étaient entrés dans son vocabulaire ! Croyez-moi sur parole si je vous dis que ce fut un progrès significatif pour la comprendre !

 

Ce qui a été su un jour ne le sera pas forcément toujours...

 

Cependant, ce n’est pas tout à fait acquis et certains sons ne sortent toujours pas spontanément. Question de défaut d'automatisation, comme pour la dyspraxie.

 

Exemple : qu’est ce qu’il y a entre le jeudi et le samedi ? Le vendredi (oui encore un v, décidément…): seul et isolé, elle va le dire correctement. Mais dans une phrase c’est systématiquement « rendredi »

Pourquoi tu dis toujours rendredi ? « ah ben c’est l’habitude, ça sort comme ça … »

Tout comme: "je va à l'école" par exemple...

 

Aujourd’hui, on la comprend, et elle parle de mieux en mieux, donc les progrès sont là. Mais il faut quand même tout le temps la cadrer : lui dire de ralentir, lui faire poser le contexte… Et dès qu’elle est fatiguée ou énervée, cela repart en vrille.

 

Notamment sur le ton, qui est très vite ultra-autoritaire !

(cf. particularité 9 de mon article "comment communiquer avec un dysphasique")

 

 

 


14/10/2016
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