Etoile 10 (pour DYS)

Etoile 10 (pour DYS)

Une nouvelle vie pour ma fille : loin de l’éducation nationale, qu’est ce qu’on respire !

marmotte sortie hibernation

 

 

Après un long silence sur ce blog, me voilà de retour pour vous donner des nouvelles de ma fille et moi-même.

 

Nous en étions resté au début de ses années ULIS collège, et moi, j’étais en formation pour devenir éducatrice spécialisée.

 

Quelques années ont passé, j’ai obtenu mes diplômes et me suis installée en libéral pour accompagner des enfants « à besoins spécifiques », comme l’éducation nationale les nomme « pudiquement »

 

Rapide bilan du collège Ulis

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Ma fille a fini ses quatre années de collège en décrochant un CFG (Certificat de Formation Générale) avec des résultats tout à fait honorables (320 points sur 400). Elle reste toujours aussi détachée des diplômes (en clair : elle n’en a rien à faire).

 

Il était grand temps que le collège se termine. L’inclusion a été complètement ratée deux années sur les quatre (5ème et 3ème), ses amies n’en étaient pas vraiment. Le relationnel avec les autres enfants était négligé, car la coordinatrice ULIS avait la croyance que c’était de toute façon compliquée, quoi qu’on puisse faire. Et puis elle n’avait pas le temps, l’important, c’était le scolaire. Pourtant, les dysphasiques ont quelques petites choses à travailler, notamment le décryptage du second degré et savoir alimenter la conversation...

 

Niveau scolaire justement, ma fille a énormément progressé à l’oral, elle s’exprime aussi mieux à l’écrit même si cela reste rudimentaire. Après, l’orthophoniste et moi-même avons beaucoup activé cela aussi, donc est-ce l’école ou est-ce le travail fait à côté ? On ne le saura jamais…

 

Au quotidien, il faut vivre avec sa dysphasie , et maintenant elle en a conscience, elle me demande de l’aider à exprimer « ce qu’elle a dans sa tête ».

 

Grosse déception côté mathématiques en revanche, et pourtant sa coordinatrice était professeur de mathématiques à l’origine : Alexia est toujours aussi bloquée, elle n’a pas progressé dans les maths fonctionnelles, même si, du point de vue de la grille de l’éducation nationale, elle a progressé, parce qu’elle sait reconnaître, écrire, additionner ou multiplier des nombres plus grands, ou reconnaître des figures géométriques plus complexes.

 

J’attendais impatiemment la fin du collège pour elle comme pour moi...

 

Changement radical de vie !

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Sitôt le collège fini, nous avons fait nos cartons, plié bagages et sommes enfin partis de la région parisienne ! Nous nous sommes installées dans la Drôme.

Et cela tombe bien, car ma fille a besoin de nature et veut y travailler.

 

Comme je l’avais évoqué dans un article sur les différentes orientations scolaires possibles en 2016, j’avais en tête les MFR (Maisons Familiales et Rurales) pour elle. Comme j’ai de la suite dans les idées, je n’ai pas lâché la piste et elle en a intégré une en septembre 2022.

 

Première belle nouvelle : les MFR ne dépendent pas de l’éducation nationale (oui, vous avez compris que je suis un peu fâchée avec l’institution, mais pas avec les enseignants!).

Ma fille veut travailler avec les animaux, elle sait même exactement ce qu’elle veut faire (masser les chevaux, chiens et chats), mais en attendant, on lui a conseillé de faire un CAPA dans les métiers de l’agriculture. Elle est quand même mieux dans la Drôme qu’à Paris pour le faire !

 

Elle est donc inscrite dans une MFR qui propose une formule adaptée à ses attentes : 12 semaines de cours par an seulement, en internat (parce que l’école est un peu loin et parce que ça fait du bien d’être loin de maman), avec des jeunes tous broyés par l’éducation nationale. Alexia se retrouve donc avec des jeunes comme elle et niveau intégration, ça fonctionne super bien ! Elle s’est tout de suite fait de vraies copines. Et j’ai eu la très nette impression que l’école était là pour réparer les dégâts qu’une scolarité compliquée avait eu sur leur confiance en eux.

 

Elle a une AESH mutualisée, mais elle me dit qu’elle n’en a même pas besoin. Il faut dire que les cours sont vraiment adaptés, avec peu d’écrits et des supports et contenus adaptés. La pédagogie est orientée sur la pratique et les projets. Par exemple, ils ont un projet « mini entreprise » où ils ont appelé des fermes pour avoir des pommes, ils les ont récoltées, ils en ont fait du jus de pommes, qu’ils vont maintenant vendre, pour ensuite organiser un voyage. La vraie vie, quoi !

 

Quand elle n’est pas à l’école, elle est en stage. Elle a commencé dans une ferme où la « patronne » est très attentive à son égard, et j’espère trouver d’autres fermes tout aussi bienveillantes.

 

Que dire de son évolution ?

 

Spectaculaire ! Ma fille déploie ses ailes, elle est rayonnante. Elle est à sa place. Elle trouve un équilibre entre le travail, l’école, la famille, les copines et l’équitation (dans un centre équestre qui n’a là encore rien à voir avec celui de la région parisienne).

 

Ses difficultés scolaires sont toujours les mêmes, mais comme la proportion d’école est bien moindre aujourd’hui et que ses camarades sont tous autant en difficulté qu’elle, le poids s’estompe.

 

Ce n’est plus si grave. Sa vie, ce n’est plus « être une élève stigmatisée par ses troubles d’apprentissage ».

 

Au niveau professionnel, elle est un peu lente, mais elle débute. Et puis, si elle doit être plus lente toute sa vie, mais qu’elle fait les choses avec sérieux, est-ce grave ?

 

Ce changement de vie est une réussite complète pour le moment. Bien-sûr, ma fille reste ce qu’elle est. Son fond anxieux s’apaise ici, mais ne demande qu’à ressurgir à la moindre contrariété. Elle conserve une rigidité mentale qui la dessert et contre laquelle je lutte. Et même si je la vois autonome, il reste du chemin pour qu’elle puisse gérer ses comptes, apprendre à conduire (les gros blocages toujours actuels). Car mon objectif, c’est bien qu’elle puisse se débrouiller toute seule.

 

Elle n’a que 16 ans, elle va encore bien grandir. En elle cohabitent une maturité exceptionnelle sur certains points (connaissance d’elle même) et une petite immaturité (relations avec ses pairs).

 

Je voulais vous dire : courage à tous les parents d’enfants DYS plus jeunes ! La vie, ce n’est pas l’école, et l’école n’a qu’un temps ! Privilégiez toujours l’estime de soi de l’enfant  sur tout le reste ! Car c’est elle qui va lui permettre d’avancer et de se dépasser, malgré toutes ses limitations qui sont réelles.

 


13/11/2022
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Parents d’un enfant dys : les grandes différences de la différence

Personne n’est préparé à vivre le métier de parent, même si l’on a eu des frères et sœurs plus jeunes, ou si l’on a gardé des enfants. C’est une chose qu’on découvre en le vivant.

 

De la même façon, personne n’est préparé à vivre avec un enfant différent.

 

 

 

Les difficultés inhérentes aux parents d’enfants différents

 

Je note deux écarts majeurs entre un enfant dit « normal » et un enfant « différent » (je donne ces termes inappropriés à défaut - ou en attendant- de trouver mieux) :

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  • L’isolement : la majorité des autres parents ne connaissent pas nos problématiques. Ah !!! Quand le grand souci concerne la gestion d’une mauvaise note ou même le choix de la meilleure école, quel bonheur ! Moi, je me fais juste des cheveux blancs pour savoir si elle va pouvoir continuer au collège sans que son estime d’elle dégringole ou qu’elle ne fasse pas recours à son mécanisme de défense principal : le blocage…

 

  • Le combat permanent : il n’y a jamais (rarement) de trêves . La vigilance est permanente, tant au niveau scolaire (prof, AVS, aménagements, devoirs, etc.) qu’administratif (dossier MDPH, médical…) . Sans compter le bien-être psychologique qui est LA condition sans laquelle vous pouvez faire une croix sur ses progrès.

 

  • La méconnaissance et la minimisation des « handicaps » : pour les Dys s’ajoute cette troisième difficulté :  Comme nos enfants sont intelligents, bien portants et même plein de vie, la société est dubitative. Je sais que je n’arrive à obtenir un peu de crédibilité que quand je dis que ma fille a un dossier MDPH et une AVS à l’école (« ah quand même ! Carrément ! C’est à ce point ? »), et c’est dommage !!!!!

 

Je ne suis moi-même pas à l’aise avec cette notion de handicap, que je n’emploie jamais. Sauf une fois, à son frère, pour qu’il comprenne qu’elle n’était pas « pénible », mais qu’elle avait une vraie différence. Pour moi, ma fille a un dossier MDPH, ce qui est très différent que de penser qu’elle est handicapée . A moins de penser que la différence est un handicap, auquel cas, vous pouvez me classer dans la case des handicapés non reconnus officiellement.

 

Et puis les DYS touchent au domaine très énigmatique du cerveau. Le handicap n’est pas seulement invisible, il est aussi bien souvent incompréhensible.

Si ce n’est pas de la bêtise puisqu’ils sont intelligents, alors, c’est quoi ? Du caprice ? De la paresse ? La faute aux parents ? C’est psy, peut-être ? C’est sûr que vu l’environnement familial… (notez que pour ma part personne n’a osé me le dire ça… en face tout au moins ;) )

 

Non, non, sachez-le : ce trouble est cognitif, neurologique, pas psychologique. Les petits DYS fonctionnent juste différemment. Vraiment. Moi je dis qu’ils ne sont pas câblés comme nous.  D’où le titre de mon blog, d’ailleurs. 

 

Quand je vois le blocage de certaines personnes sur ces troubles, je me dis que ce sont eux qui ont des problèmes de connexion de neurones…

 

 

Une découverte progressive, non linéaire et jamais définitive

 

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La découverte d’un enfant différent se fait pas à pas, comme avec tout autre enfant. On ne nous le livre pas avec le pack détaillé à la naissance. On le découvre au fur et à mesure, au gré de son évolution et des bilans médicaux. C’est une surprise permanente. Même les spécialistes maîtrisent très peu ce domaine. Et il n’y a pas deux Dys pareils. Pas deux profils identiques, pas deux évolutions similaires. On est face à un exemplaire unique et non duplicable. Ce qui renvoient les spécialistes au rang d’apprentis et finalement… ce sont les parents les vrais spécialistes.

 

Et les évolutions possibles sont imprévisibles. Parents, fuyez les médecins qui vous disent que votre enfant ne fera jamais quelque chose correctement: lire, parler, écrire, compter… Ce ne sont pas seulement des paroles toxiques ou blessantes, ce sont aussi des paroles d'ignorance!

 

Mon expérience

 

Pour ma part, je savais qu’il y avait quelque chose qui ne fonctionnait pas comme les autres chez ma fille. Et j’ai été seule pendant plusieurs années dans cette errance. Car tout le monde, y compris l’orthophoniste, et surtout y compris le père, évoquaient un simple retard de langage ; en fait, selon le papa « elle est lente, il lui faut le temps, comme à moi » (ma fifille à moi, c’est mes gènes à moi, mon prolongement de moi, tout comme moi… Les pères et leur fille, quoi). Bref, rien d’anormal ou d’inquiétant, si ce n’est la maman en somme !

 

Et puis à 5 ans, la maîtresse a ouvert les yeux au papa, en insistant sur le fait qu’il n’y avait pas qu’un problème de langage.

 

Et les mots « dysphasie » et « dyspraxie » ayant pour la première fois été évoqués par des spécialistes en blouse blanche (pas la mère, hein ? Quelqu’un de sérieux !), j’ai vécu , vous le comprendrez donc, une reconnaissance officielle de mon intuition. Je l’ai vécu comme un soulagement alors que pour son papa, cela a été certainement plus vécu comme un coup de massue. Fini le déni.

 

 

Le temps

 

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Une fois le diagnostic posé, personne n’imagine immédiatement le temps que cela va représenter au quotidien :

  • temps des bilans
  • temps des séances hebdomadaires de rééducation
  • temps des dossiers administratifs
  • temps des réunions avec les enseignants et « spécialistes scolaires » (parlons-en !! j’en écrirai un article)
  • temps à l’accompagnement à la maison, pour les devoirs
  • et plus encore temps pour la gestion de ses émotions, la confiance en elle (prévoir 45 minutes au coucher, même encore à 10 ans)
  • … sans compter le temps passé auprès de son frère, car il ne faut pas non plus négliger le reste de la fratrie sous prétexte qu’un enfant est plus chronophage. Sans cela, elle risque de se rebeller juste pour avoir droit à son quota de temps avec maman…

 

Et ce temps, on le prend où ?  Pas le soir après 21h, nos enfants sont claqués (moi aussi ;) )

 

Partiellement le week-end , mais modérément, car ce sont des enfants, qui ont le droit de vivre une vie d’enfant.

 

Alors ? Quand ? Et bien, sur le temps de travail… Là ce sera l’objet d’un autre article : l’impossible alliance entre épanouissement professionnel et responsabilité parentale…

 

 

La médicalisation de son enfant

 

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Durant tout son parcours, l’enfant est très pris en charge. Trop, même. On pourrait caser facilement dans la semaine 6 à 8 séances de rééducation et prise en charge psychologique pour l’enfant. En ce qui concerne ma fille, le nombre de 4 a suffi à la saturer.

 

Alors on redescend le nombre de prise en charge et l’arbitrage n’est pas facile parce que le neuropédiatre ne sait pas forcément bien arbitrer et aurait tendance à plutôt vouloir en rajouter qu’en enlever.

 

Et puis, les parents ne sont pas forcément d’accord entre eux. Difficile de prendre la responsabilité de lâcher certaines prises en charge. Moi, j’ai décidé d’écouter ma fille et de l’impliquer dans ces décisions. Parce qu’au vu de son caractère, si elle ne veut pas, cela ne sert à rien. Et au fond d’elle, elle sait ce qu’il lui faut. Alors il faut lui faire confiance.

 

Quand on supprime certaines séances, on se rend parfois compte qu’elles ne servaient à rien vu que la progression continue, parfois même s’accélère. Personnellement, le temps gagné sur ces prises en charge, je l’ai transformé en plaisir pour ma fille : arts plastiques, danse, équitation… Et ces disciplines sont autant d’occasion d’apprendre. Et surtout apprendre comme tout le monde. Et aussi bien.

 

Et l’école…

 

Ah quel parcours ! Je vais m’arrêter là pour cet article, car ce simple sujet vaut bien plusieurs articles à lui tout seul !

 

Je vais vous renvoyer vers une recette pour bien péter les plombs, histoire de partager avec vous comment tout peut se cumuler pour en arriver aux crises pour nous, les parents.


19/09/2016
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Comment communiquer avec un dysphasique ?

Au premier abord, ma fille semble tout à fait « normale ».

Certes, quand on l’écoute, elle parle un peu bizarrement et utilise beaucoup son corps pour accompagner ses paroles, mais rien de vraiment perturbant.

Parfois aussi son comportement n’est pas celui attendu pour son âge (notamment son absence de règles de politesse spontanée et son silence face à l’adulte questionnant), ce qui nous vaut d’ailleurs en tant que parent des suspicions de mauvaise éducation, tout simplement… On ne va pas les blâmer, rien d’étonnant quand on est dans l’ignorance. On a longtemps considéré que les DYS étaient d’ordre psy. (mais quand même : quand on sait pas, on juge pas !)

 

Ses difficultés langagières sont bien réelles et dépassent largement les simples échanges verbaux. Comme elle est vive et que son regard est pétillant, il faut vraiment être très proche d’elle ou faire preuve d’une sincère empathie pour saisir son fonctionnement!

 

Alors si vous êtes amenés à croiser des petits dysphasiques, ce que vous devez savoir…

 

Particularité n° 1 : la compréhension de ce qui est induit n’est pas maîtrisée

 

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Evitez l’ironie, le deuxième degré. Sauf si vous voulez entendre des « ah bon ?! » plein de candeur.

Exemple : « je suis épuisée, je viens de traverser l’atlantique à la nage » : « ah bon ?! » 

 

De même, si vous êtes en colère, une phrase du style : « c’est terminé je ne ferai plus jamais ça avec toi ! » est à bannir.

Exemple: je venais d’offrir à ma fille un xième bracelet, qu’elle s’est empressée de casser 2 jours plus tard. La maman presque parfaite que je suis a utilisé son « presque » pour lui dire, énervée : « c’est terminé, je ne te ferais plus jamais de cadeau ! ». Et voilà ma fille qui tourne cela dans sa tête et qui revient 5 minutes après, fort énervée elle aussi : « et bien moi, je commanderai rien à Noël ! ». Euh, quel est le rapport, nous sommes en août ? « tu m’as dit que tu ne me ferais plus jamais de cadeau ! »

 

Ce qui est induit se retrouve aussi très souvent dans la lecture, la poésie notamment. Exemple le dormeur du Val, d’Arthur Rimbaud. Il y a écrit qu’il dort avec 2 trous rouges sur la poitrine. Alors, il dort, non ? Compliqué de lui expliquer qu’il est mort, et en plus, qu’il est mort pour toute la vie (!), comme elle dit ! Je pourrais donner beaucoup d’autres exemples.

 

De plus comme elle a une imagination débordante, le texte d’origine doit très grandement différer de son interprétation !

 

Certaines expressions la font rire aux éclats, car elle les prend au pied de la lettre. Ceux qui sont "tête en l'air", par exemple: elle doit imaginer qu'ils ont la tête qui s'envole, retenue par un fil comme un ballon de baudruche.

 

 

Particularité n° 2 : la difficulté à poser le contexte 

 

De façon générale, les histoires, avec un lieu, des personnages, et des actions chronologiques, blablabla, tout ça, c’est de l’art abstrait, un pur concept… Oubliez et accrochez-vous simplement aux branches pour comprendre !

Exemple un soir à table alors que nous étions en pleine conversation, ma fille nous coupe la parole (cf. particularité n°3…): « tu sais il y avait une route, et puis à droite un chemin, et à gauche un autre chemin, et là celui-là était barré ». Ceci à grand renfort de signes de mains, digne d’un agent de la circulation. Oui ?????…. Où ça? ça se passait quand ? Tu étais avec qui ? A pied ou en voiture ?  (Sans compter ce que l’on pense tous, mais comme on l’encourage à parler, alors on se tait : « pourquoi tu me racontes ça ???? »). A la place, une fois que j’ai compris, je réponds généralement : « ah ok ! je te remercie pour cette info » (notez bien cette phrase)

 

Particularité n°3 : couper la parole 

 

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Avant toute remarque désobligeante, que les choses soient claires : après enquête, il semble que cela ne soit pas propre à ma fille qui serait affreusement mal élevée, mais à tous les petits dysphasiques : ils ont une très fâcheuse tendance à couper la parole pour parler, (nous l’avons vu précédemment) de choses très importantes qui n’ont rien à voir avec la discussion en cours.

Je l’avoue, en mère imparfaite-et-fière-de-l’être : cela m’énerve prodigieusement et je lui fais régulièrement savoir. Ce à quoi elle me répond « ah oui, ok, pardon ».

 

Mais pourquoi fait-elle cela ??? J’ai plusieurs explications scientifiquement pas prouvées, et qui se cumulent :

 

o       l’empressement : elle a beaucoup de choses à dire et une toute petite mémoire à court terme, qui, elle, a été démontrée par des procédés scientifiques (si tant est qu’on considère le WISC comme un procédé scientifique, bien-sûr).Elle se dépêche donc de tout déballer par peur de l’oublier. Et comme on m’a souvent dit (au cas où je ne l’aurais pas deviné toute seule) qu’elle avait un fort besoin d’être écoutée, il est difficile de la canaliser sans la brimer…

 

o       le manque d’attention à ce qui se dit autour d’elle : ma fille a un TDA. On me l’avait aussi dit de manière scientifique via le fameux WISC. Mais je m’en suis vraiment rendu compte lorsque je lui ai fait faire un petit test pour savoir si elle était plutôt kinesthésique, auditive ou visuelle. Elle devait me dire comment elle avait imaginé le mot « chocolat » dans sa tête et, après 10 secondes de silence, elle m’a dit : « j’ai vu un cheval ». Bon … après « du coq à l’âne », c’est « du chocolat au cheval ».  Cela va donc très vite dans sa tête. Et lorsque nous parlons, comme elle n'a pas accès à toutes les subtilités de nos échanges, son esprit décroche d’autant plus facilement.

 

Si vous voulez imaginer la vie d’un dysphasique: essayez de vous imaginer suivre une discussion en chinois alors que vous en êtes à votre 3ème leçon (j'exagère un peu pour ma fille, mais certains dysphasiques le sont beaucoup plus sévèrement qu'elle). Du coup, ayant décroché de notre conversation, elle pense à quelque chose. Et bien-sûr : il faut le dire ! Tout de suite ! Sinon, elle va l'oublier...

Je rajoute aujourd’hui que ma fille, même encore à 15 ans et certainement toute sa vie, ne peut pas suivre une conversation entre plusieurs personnes, cela se mélange dans sa tête, et va trop vite, elle décroche donc et part dans son monde. Quand je suis avec une troisième personne, je suis systématiquement amenée à avoir deux discussions parallèles, car elle ne peut pas suivre l’autre.

 

o       le vélo dans la tête : l’esprit de ma fille carbure à plein régime. Elle pense sans arrêt à des dizaines de choses.

 

Question : comment peut-elle exprimer tout ce qu’elle a dans la tête ?

 

Réponse : c’est impossible, mais quand même, on peut essayer. En ouvrant la bouche dès qu’une idée vient, par exemple,  même si d’autres personnes sont en train de faire autre chose. Vu d’ici ça a l’air rigolo, mais c’est parfois très pesant sur une journée, où elle me poursuit dans tout l’appartement pour me parler, parler, parler… Ca va encore quand je fais la cuisine ou le ménage, mais parfois j’essaie de me concentrer juste 2 minutes sur un papier à écrire, un texto à envoyer ou 3 lignes à lire…

 

Autre détail important: ce que j'appelle le syndrome du disque rayé: elle est capable de m'appeler 50 fois de suite ou de me répéter quelque chose en boucle tant que je n'y ai pas répondu (ou prêté attention, car le pire c'est que certains commentaires n'apportent pas de réponses...). Tant pis si je suis en train de parler à quelqu'un d'autre!

 

Solution : je lui ai acheté un petit carnet pour noter l’idée sur un papier pour ne pas qu’elle s’envole. Mais comme elle a aussi de grosses difficultés graphiques, je ne peux pas dire qu’à ce jour, cela fonctionne. Et puis il lui faut des oreilles qui écoutent, et des yeux qui la regardent. Il faut un retour, car ce qui compte, ce n'est pas tant parler qu'échanger.

 

Particularité n°4 : hocher la tête au téléphone

 

Ca, c’est anecdotique, mais rigolo ! On a beau lui dire, mais c’est plus fort qu’elle … Quand on parle avec son corps, le téléphone est terriblement restrictif.

Ma grande curiosité serait de rencontrer un petit italien dysphasique. Ça doit être quelque chose !

 

 

Particularité n° 5 : les créations ou inversions de mots

 

Certains mots sont inexplicablement abstraits pour ma fille qui en intervertit deux sans aucun lien entre eux. Je me souviens une fois brouette à la place de trompette (pour l'anecdote, car c'est toujours rigolo:  il s'agissait d'un de ses copains qui faisait un bruit de brouette en se mouchant)

 

Il y a aussi de la fantaisie, de l’imagination et de la poésie dans ses compositions langagières. Un jour qu'elle mettait la table, elle m’a sorti les « verres à talon », au lieu des verres à pied. Avouez que c’est plus classe !

 

J’ai aussi été épatée de découvrir que notre petit chat de compagnie avait son « directoire ». J’ai dû faire preuve de patience et de persévérance pour comprendre qu’il s’agissait de son territoire

 

 

Particularité n°6 : les petits mots qui expliquent tout (ou sont censés le faire…)

 

Vous n’imaginez pas le nombre de « trucs ronds »  (avec les gestes s’il vous plait !) qu’il y a dans l’univers de ma fille. Et bien oui, vous l’aurez compris, c’est une des grandes difficultés des DYS : la difficulté à trouver le bon mot.

 

Du coup, il y a plein de petits mots qu’elle utilise pour décrire celui qui ne vient pas à son esprit : des trucs ronds qui se mangent, des trucs ronds avec lesquels on joue, des trucs ronds avec lesquels on a bricolé, des trucs ronds mous qu’on avait vu l’été dernier, des trucs ronds verts, qui tournent, là, en faisant, ça (vous ne voyez pas ?).

 

L’autre jour, il y avait même « un truc dans le truc »: ça devient franchement coton à comprendre ! Heureusement j'étais à côté et j'ai pu voir qu'elle me montrait un sac de terreau dans un panier... (aha! Vous voyez que c'était simple!)

 

 

Particularité n°7 : la répétition d'un mot qu'elle n’a pas bien prononcé ou d'une syntaxe mal tournée n'améliore pas le langage

 

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Le nombre de personnes "bienveillantes" autour de moi qui reprennent ma fille de façon à ce qu'elle prononce correctement est impressionnant. Parce que, vous savez, si elle ne parle pas bien, c'est que je lui permet de le faire, c'est évident!

 

Alors, je vous le dis très clairement: l’objectif, c’est quand même qu’elle parle et on vous le répète : les dysphasiques ne sont pas des neuneus, ils ont très bien intégré le fait qu’ils avaient des difficultés avec le langage. Donc inutile d’enfoncer le clou en leur faisant trop remarquer. A moins que vous vouliez qu’ils se taisent. C’est peut-être reposant pour vous mais ce n’est pas très constructif.

 

De plus, la répétition n’améliore pas la prononciation ! J’entendais récemment sur le chemin de l’école une mère parler de façon très très autoritaire et forte à son fils de 5 ou 6 ans : « CHO-CO-LAT ! Allez, tu répètes ! Il faut que ça sorte ! » ( !!!) J’ai entendu cela sur les 10 minutes de mon trajet (et je me sentais mal). J’ai espéré très fort que ce n’était pas un petit dysphasique. En tout cas, c’est peut-être une bonne méthode si on veut qu’il soit dégoûté du chocolat.

 

Bref, pour qu'il y ait tout de même une amélioration dans son expression, je ne fais pas rien, en essayant de développer mes talents de télépathes. Non, non! Mais je ne fais pas répéter. Je lui dis simplement que JE n'ai rien compris car elle parle trop vite pour une simple humaine comme moi. (non, sans la dernière partie de la phrase ...). Ben oui, le problème, ça ne peut pas toujours être elle non plus!

 

 

Particularité n°8 : parler à moi de l’autre juste à côté.

 

Je sais bien qu’en tant que maman, je suis dieu tout puissant, mais enfin : pourquoi s’adresser à moi alors que la personne est en face d’elle ? Même avec ses proches ! Exemple : « Pourquoi mon frère, elle ne fait pas ça ? » Ben, demande-lui, IL est à côté (oui, car elle confond aussi le « il » et le « elle », ce qui ne lui fait pas plaisir, au frère…).

 

Explication probable : la confiance qu’elle a en moi. Elle a une trouille bleue du rejet, d’être mal comprise, d’entendre un « non » à une question... Prendre la parole est toujours un acte de courage pour les dysphasiques. Et s'ils parlent en classe, alors, je dis bravo aux enseignants: ils ont su créer un climat de confiance et de sécurité pour eux. 

Particularité n°9: utiliser la bonne intonation

 

Je rajoute ce point car en écrivant un autre article, je me suis dit qu'il avait plus sa place ici. Ma fille a du mal à trouver le bon ton. C'est bien-sûr flagrant en lecture, et cela s'explique pour d'autres raisons (il faut déjà se concentrer pour déchiffrer, puis comprendre, alors le ton, ça viendra après...)

 

C'est aussi flagrant lorsqu'il s'agit de chanter. C'est un moment assez pénible pour tout le monde, même si on ne peut pas lui dire d'arrêter (enfin, moi, en tant que maman, car son frère ne s'en prive pas). Chanter est une manifestation de joie de vivre, et en ce sens, elle doit être accueillie avec bienveillance (et boules Quies)

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Lorsqu'elle est énervée ou fatiguée, ou même simplement emportée par le feu de l'action, son ton peut devenir ultra-autoritaire !

 

 

« Fais moi ça ! ». Et on sent qu'on ne doit pas trainer!!!

 

Cela dérange beaucoup l'environnement et on retombe dans le côté "mauvaise éducation" si fréquemment rencontré: "mais tu acceptes qu'elle te parle comme ça?" (Non je n'accepte pas, mais désolée, je viens de vendre mon fouet depuis qu'on m'a dit que les châtiments corporels n'étaient plus autorisés, et je n'ai pas encore trouvé de moyen de la punir à la hauteur de son outrage insolent...)

 

 

Petite astuce (vous en faites ce que vous voulez, hein?!!): pour dédramatiser, je lui apprend les règles de politesse de la famille Adams. C'est peut-être pas très orthodoxe, mais j'ai remarqué que cela lui faisait prendre conscience que le ton n'était pas adapté. " Voyons, on ne demande pas comme ça... qu’est ce qu’on dit ?"

 

« Fais-moi ça, et que ça saute ! »

 

Ahh… Beaucoup mieux ma chérie….

 

 

 

 

 

Voilà une incursion dans mon univers de dysphasique. Si vous vous y reconnaissez, n’hésitez pas à me le dire ! Plus on est de fou, moins on se sent seul… Et si vous avez constaté d’autres particularités, partagez-les aussi !

 


17/09/2016
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Autisme et Dysphasie: pourquoi on ne peut pas les confondre

Pour faire suite et compléter mon article Autisme et Dysphasie: pourquoi on peut les confondre, et afin d'aider à bien différencier les deux, je propose aujourd'hui de lister les différences que j'ai pu constater.

 

Pour rappel, je suis maman d'une enfant multiDys, avec la dysphasie en trouble primaire, et depuis la création de ce blog, je suis devenue éducatrice spécialisée et je travaille  au quotidien avec des enfants autistes.

 

Voici donc trois différences que j'ai pu clairement repérer

 

La recherche du lien avec l'autre

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On parle souvent  des autistes comme étant "dans leur bulle". Même si ce n'est pas généralisable de manière aussi caricaturale, et qu'il est souvent simpliste et faux de dire que les autistes ne cherchent pas de liens sociaux , je ne peux que constater l'exact opposé chez ma fille et les différents témoignages d'enfants dysphasiques. 

 

Ma fille adore être en lien avec l'Autre, quel qu'il soit, adulte, enfant ou animal. Même si c'est plus difficile avec ses pairs, surtout à l'adolescence, où sa différence est plus marquée.

 

Depuis toute petite, elle a eu le don de s'intéresser aux autres, elle préfère faire une activité qu'elle n'aime pas avec quelqu'un, plutôt que de rester seule à côté de lui, à faire ce qu'elle aime, car ce qui l'anime, c'est le partage.

 

Un autiste ne va pas partager une activité qu'il n'aime pas pour la recherche de ce lien. C'est d'ailleurs une de leur caractéristique (l'altération des interactions sociales).

 

 

Un excellent décodage des émotions et pensées des autres

Ce point fait écho aux difficultés de décodages sociaux, que j'avais noté comme point commun entre autistes et dysphasiques. Mais, alors que pour les sens des mots, ils sont assez semblables, au niveau décodage des pensées, en sens inverse, il s'agit d'une aptitude puissante chez les dysphasiques.

 

Il ne s'agit pas simplement d'hypersensibilité, de simple éponge à émotions, non. Cela va bien au-delà de cela. La dysphasie est un trouble du langage oral. Mais, certainement en compensation de ces difficultés de langage, les dysphasiques décodent tous les signaux non verbaux avec une finesse hallucinante. Ma fille anticipe parfois ce que je vais dire ou faire, elle détecte mes humeurs, mes états d'âme. C'en est parfois flippant. Je lui dis qu'elle est télépathe.

 

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Un exemple récent: un dimanche midi, je cuisinais avec elle (cf. point précédent: la recherche de lien). Et, ce faisant, je fais un mouvement vers un placard en disant "bon, tu sais quoi?"... Je la vois s'agiter et me retourne: elle avait pris une bouteille de vin rangée dans un autre placard. Elle me dit: "oui, tu as raison, après tout, c'est les vacances, faut profiter". J'allais prendre un verre et lui dire: "je vais boire un verre de vin". Ce que je ne fais JAMAIS le midi. Comment a-t-elle pu deviner? J'en suis restée sidérée... Bien-sûr, c'est un exemple parmi d'autres, j'ai parfois l'impression d'être un livre ouvert pour elle.

 

 

Lorsqu'elle était toute petite, j'ai longtemps été persuadée qu'elle ne parlait pas parce qu'elle n'en voyait pas l'utilité, vu que la communication se passe à un autre niveau chez elle. Elle s'est mise à parler car la majorité des autres humains n'ont pas ces aptitudes...

 

Les autistes en revanche ont du mal à décoder les émotions, cela est aussi une autre caractéristique de l'autisme. On a souvent dit  qu'ils n'avaient aucune empathie. Ce qui est bien-sûr complètement faux. Des études récentes montrent qu'ils ne les capteraient pas parce que le monde va trop vite pour eux. En revanche, si on leur montre un visage filmé au ralenti, ils ont alors les mêmes réactions qu'un non autiste.

 

 

Des intérêts variés ou restreints?

Troisième grande caractéristique des autistes: des intérêts restreints. On pense à ces exemples d'enfants, qui connaissent tout sur un sujet précis. Les trains, les plans de métro, les pingouins, les reptiles... Ils sont obsédés par un sujet, ils en parlent tout le temps.

 

Qu'en est-il des dysphasiques? Ah, franchement, ce n'est pas si facile de répondre à cette question! Il semblerait qu'ils puissent avoir tendance à focaliser sur un sujet, eux aussi. Exemple de ma fille: les chevaux.

 

Mais je pense que cela relève plus de la familiarité d'un sujet qu'elle connait bien, et cela la rassure (cf. anxiété dans les points communs). Et puis, la dysphasie n'est pas incompatible avec une passion!

 

En revanche, j'observe beaucoup d'autres intérêts, souvent en lien avec l'actualité, ou ce qu'elle a pu partager avec des copines, des activités qu'elle a découvert en vacances...

Par exemple: lors du premier confinement, et avec l'apparition des premiers masques, elle a confectionné des masques à l'ensemble de ses peluches.

 

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En janvier, ils avaient eu droit à des couronnes des rois sur mesure. Auparavant, ils avaient tous eux des colliers ou bracelets faits main. Elle va être très créative et changer régulièrement la déco de sa chambre. Elle va avoir ses périodes, ballon de basket, ping pong, ballon de basket... bref, elle sait s'occuper de manière très variée.

 

Donc malgré son côté très ritualisé, je ne la trouve pas si coincée dans des intérêts restreints. En revanche, je sens que certains intérêts forts sont là pour la rassurer.

 

 

Voilà pour ce petit tour d'horizon! J'espère que cela aura donné des pistes à ceux qui s'interrogent sur leur propre enfant!

 

 

 

 

 


22/12/2020
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Bienvenue en classe ULIS collège

 

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Cela fait bien longtemps que je n’ai pas écrit d’articles. J’ai passé une année de CM2 tranquille l’année dernière. Ma fille passait sa sixième année consécutive dans la même école primaire, et tout le monde la connaissait (et me connaissait bien aussi;) …). Elle avait la même AVS depuis le CP, et cerise sur le gâteau, j’avais introduit un allié de poids dans l’école : son ergothérapeute, qui venait faire sa séance là-bas. Il communiquait donc directement à la maîtresse et à l’AVS les consignes pour l’aider dans son travail : l’utilisation de l’ordinateur, l’organisation matérielle, l’utilisation des outils aimantés pour la géométrie, etc.

Si par malheur, quelque chose ne se passait pas bien, il me disait : « pour éviter de passer pour la mère pénible, commencez toutes vos phrases par :  l’ergothérapeute a dit que…. ».

Ce fut une année de soulagement, tout était rodé, les devoirs étaient parfaitement adaptés à ma fille et sa prise en charge optimale avec une AVS qui la connaissait par cœur.

De plus j’étais aussi soulagée car j’avais trouvé une ULIS adaptée pour elle pour son entrée au collège.

 

Quelle ULIS ?

L’ULIS, Unité Locale d’Inclusion Scolaire, est un dispositif présent dans certains établissements scolaire (primaire, collège), dont l’objectif est de permettre aux enfants « à besoins particuliers » (j’adore cette expression très politiquement correcte de l’éducation nationale…) de poursuivre une scolarité dans un établissement non spécialisé.

 

L’ULIS est une réponse à la loi 2005 sur le handicap, qui prône l’inclusion scolaire pour tous les enfants. L’inclusion, c’est quand l’environnement s’adapte à l’enfant. Quand on accepte l'enfant mais dans un cadre spécifique et qu'on lui demande d' s'y adapter, c’est de l’intégration. La notion n’est pas la même, vous voyez la nuance. Dans la notion d’inclusion, c’est donc aux enseignants de faire l’effort de s’adapter aux « besoins particuliers » de l’enfant.

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En ULIS Collège, les enfants entrant dans ce dispositif sont 12 maximum (répartis entre la 6ème et la 3ème), ils suivent les cours de mathématiques et français (ou autre selon chaque enfant) dans la classe ULIS avec un coordinateur ULIS, et le reste des cours, ils sont intégrés dans une classe « normale ».

 

Le coordinateur est le relais avec les autres profs pour veiller à une bonne adaptation des cours et une AVS-co est détachée auprès de l’enfant si besoin. C’est donc un réel dispositif d’inclusion… sur le papier en tout cas.

 

Ma fille est dans un ULIS TSLA (Troubles Sévères du Langages et des Apprentissages) … ou autres troubles cognitifs (c’est pas bien clair pour moi, l’ULIS ayant ouvert il y a un an)

 

Après un trimestre, quel est le premier bilan ?

 

Les points positifs

 

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Ma fille est totalement intégrée dans sa classe « normale », et elle adore y être. Elle a des copines. J’aurais pensé qu’elle se lierait plus avec sa coordinatrice ULIS et les enfants qui y sont, mais pas du tout ! Elle est beaucoup plus bavarde et impliquée quant il s’agit de sa classe. Certes, sa différence n’est pas toujours bien comprise (ses copines disant à leurs parents : « mais non, elle n’est pas handicapée du tout ! »), et j’ai dû expliquer à quelques mamans pourquoi elle était si peu bavarde au milieu de ses copines : il est toujours aussi difficile pour elle de faire une conversation banale avec les autres par exemple. Mais la chance est d’être dans un établissement privé très sélectif, et du coup, les parents sont tous très impliqués et vigilants sur l’éducation de leur enfant. De plus, la direction prête une grande attention à l’inclusion de chacun, et les valeurs de respect, de différence et de tolérance sont réellement présentes.

 

Au niveau des cours, certains professeurs jouent parfaitement le jeu et donnent des cours simplifiés photocopiés, et des évaluations adaptés (toutes faites dans la classe ULIS avec une AVS).

En français et en mathématiques, on ne peut pas faire plus du sur-mesure : ma fille revoit les bases, les supports sont variés, on essaie de voir comment l’accrocher ; il n’y a pas de freins pour le passage à l’ordinateur.

 

Son emploi du temps est allégé : elle finit plus tôt le mardi et est libérée le vendredi après-midi. Cela lui permet d’aller voir l’ergothérapeute, l’orthoptiste et l’orthophoniste.

 

J’ai déjà eu une réunion ESS avec une enseignante référente très pro ; la professeur principale, qui est la prof de français et qui ne l’a donc qu’en heure de vie s’implique aussi bien avec elle.

 

 

Mais…. Parce qu’il y a un mais….

 

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Malgré tout ce qui est mis en place, ma fille s’épuise. Pourquoi ? Parce qu’elle fait d’énormes efforts pour tout.

 

En terme d’organisation, c’est la panique : gérer 10 matières différentes, un agenda, avec des devoirs à faire à l’avance… Elle se noie dans le rangement de ses classeurs. Elle met 20 minutes à faire son cartable la veille, et le revérifie le lendemain au réveil pendant 10 minutes (le trouble anxieux s’ajoute à la dyspraxie). Je l’ai laissé faire ce trimestre, mais je vais prendre la relève en janvier.

 

Elle ne sait absolument pas fixer des priorités et des importances aux tâches : la révision de la chanson de musique ou le rangement de son classeur SVT sont aussi importants que la leçon complète du cours d’histoire pour l’évaluation, par exemple.

 

De mon côté, je me suis sentie envahie par elle : elle me demandait de l’aide au coup par coup, mais cela pouvait être 3 ou 4 fois par jour. J’ai repris les habitudes oubliées de retravailler toute la leçon avec elle, preuve que les supports ne sont pas si bien adaptés que cela… et pour cause : les professeurs font un « cours ULIS », alors que justement, dans ce dispositif, il n’y a pas 2 profils identiques, il faudrait donc un cours spécifique pour chaque enfant…

 

J’ai donc aussi repris les choses en main de ce côté en lui affichant un semainier, où l’on inscrit le dimanche tous les devoirs prévus pour toute la semaine, à des créneaux horaires précis, comme cela, elle a une visibilité du temps prévu (et du temps libre aussi, qui lui est nécessaire pour souffler et dont elle a la sensation de manquer). Et moi aussi, j’ai une visibilité du temps qu’elle va me prendre, j’en ai aussi grandement besoin.

 

Côté collège, certains professeurs ne font aucun effort d’adaptation. Hélas.

 

Enfin, ma fille a repris son mécanisme de défense favori, comme je le craignais avec la coordinatrice ULIS, qui lui fait les cours de maths, de français et toutes les évaluations : le blocage ! J’ai pris un coup sur la tête en ESS quand j’ai appris qu’elle n’y arrivait pas avec ma fille, qui était extrêmement têtue (c’est la seule des 11… ).

 

Conclusion : elle est évaluée bien en dessous de ses compétences réelles (qui ne sont déjà pas au niveau d’un enfant de 11 ans).

 

Et j’ai repris un coup sur la tête quand sa prof principale lui a demandé d’être « douce et docile ». J’ai tenté de faire comprendre que ma fille réagissait ainsi parce qu’on la confrontait en face à face avec ses plus grosses difficultés. Tout le monde reconnaît qu’elle est très volontaire, mais on lui demande pourtant de faire encore plus d’efforts.

 

Tout ceci montre les limites de l’inclusion.

 

En conclusion (provisoire...)

 

J’en suis venue à la conclusion que j’avais déjà depuis des années : pour une instruction efficace et adaptée, il faudrait un précepteur à ma fille. Et 2 heures de cours par jour, plutôt que 6 ou 7, où elle passe 80 % de son temps la tête ailleurs.

 

En revanche, pour une intégration sociale, je dois dire que je ne connais pas encore de dispositif plus adapté qui puisse exister pour elle. Car au final, je suis critique, mais le plus important demeure : elle est contente d’aller au collège.


29/12/2018
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